Vous avez bingé quoi hier soir ?
Trend #12 : le fandom branding Comment les marques captent l’impact culturel des séries en streaming pour les mettre au service de leurs imaginaires, et se rapprocher du fan qui sommeille en chacun
Cette semaine, la TrendRoom du Planning vous parle de « fandom branding », ce mode de communication qui brouille les frontières entre la culture pop, les médias et le marketing. En interpelant ces communautés d’initiés, les marques comptent sur l’effet d’entrainement pour donner un souffle nouveau à leurs contenus. Le trailer vous a plu ? On est parti.
« Comment connecter avec la psyché de mes consommateurs ? » Une question qui anime les marketeurs du monde entier... Faire culture n’est pas chose aisée. L’affiliation aux productions culturelles populaires a toujours été l’un des ressorts les plus efficaces. Newsjacking, détournement humoristique de phénomènes culturels… Si le spectateur comprend l’allusion à la référence source, la connivence crée un transfert d’adhésion immédiat et durable à la marque « j’aime tel film ou telle personnalité populaire > cette marque y fait référence > J’aime cette marque ». Un phénomène de convergence affective mathématique que pratiquent certaines marques à la perfection comme Oasis ou plus récemment Boursorama Banque.
Mais aujourd’hui, avec les plateformes en ligne, ces stratégies de contenu passent à la vitesse supérieure : les confinements mondiaux successifs ont fait exploser le nombre d’abonnements et créé de nouveaux réflexes de consommation. Les diffusions atteignent des reachs sans précédent : la série Netflix « Squid Game », plus gros succès à date de la plateforme, a été diffusée dans 83 pays et visionnée par plus de 140 millions de personnes totalisant plus de 2,1 milliards d'heures de visionnage selon les nouvelles métriques. Les contenus liés à la série totalisent déjà 45 milliards de vues sur TikTok et les campagnes marketing battent des records comme en France où le simple Tweet annonçant un magasin éphèmère à Paris a été liké 43 000 fois. Même constat côté marques : les ventes de Vans Slip-on blanches portées par les prisonniers du show ont augmenté de 7800% !
Ce qui retient d’abord notre attention, ce sont le registre et la nature des œuvres ou fandoms (pour fan domains) auxquels les marques s’affilient aujourd’hui : majoritairement des séries ou MOBA (Multiplayer Online Battle Arena) voire un croisement des deux comme Arcane, une série d’animation Netflix tirée du jeu vidéo culte League Of Legends. Dystopies, séries animées cyniques et désabusées à l’humour décapant comme Rick & Morty ou Bojack Horseman : le registre nihiliste a le vent en poupe. On plébiscite l’irrévérence, le pessimisme désenchanté et le comique trash désabusé. Pourquoi un tel engouement pour ces fandoms fatalistes ?
Un des leviers de succès des séries et sagas cultes tient à la richesse et à complexité de leurs univers. Le degré d’expertise nécessaire pour les appréhender dans leur totalité est l’un des piliers essentiels de toute “fan base”. Véritables objets de culte, ces éléments totémiques fédèrent les individus par leur dimension identitaire autant qu’initiatique. Le but du jeu : passer d’un phénomène de société à un phénomène marketing sans trahir l’esprit de la série.
L’étude « Welcome to the Age of Intentionalism » de WarnerMedia révèle que les consommateurs de contenus culturels sont de plus en plus sélectifs dans le choix des fandoms auxquels ils adhèrent. Fanzines, fanfictions, fanart, objets dérivés ou conventions… Les adeptes multiplient les points de contact avec l’objet de leur passion. Pour répondre à ce besoin de se plonger des univers prolifiques toujours plus immersifs, les marques rivalisent d'imagination pour prolonger l’expérience au-delà du canapé. A l’instar de la chaine de fastfood Wendy’s proposant, en amont du lancement de la 5e saison de Rick&Morty un pop-up thématique avec drive-in immersif, menu dédié, spot humoristique et refonte de son logo (devenu Morty’s) dans le style de la série d’animation. Une nouvelle façon pour les fans de se rassembler et d’engager avec leur fandom “in real life”.
Opportunité 1 : décadrer de ses registres de prédilection en ralliant l’univers d’une franchise
Exploiter la porosité entre réalité et univers numérique permet de rapidement ancrer une marque dans le monde d’aujourd’hui : ces fandoms ont en commun un caractère et une esthétique tranchés inspirés du gaming. A l’instar des symboles de la série Squid Game repris massivement par les marques - réinterprétant ceux de Playstation – qui ont permis à Heineken, Pepsi, Domino’s Pizza ou encore Durex de s’approprier l’esthétique de l’univers digital-gaming, et d’adresser les cibles qui y correspondent.
Bien que « Squid Game » soit interdit aux moins de 16 ans à cause de la violence de certaines scènes, la série génère une forte résonance sur les réseaux sociaux : Roblox, Snapchat, Fortnite, Tik-Tok, les plateformes les plus fréquentées par les adolescents hébergent des vidéos reprenant l’esthétique ludico-sadique de la série, permettant de vous déguiser en candidat, se réappropriant les défis de la série comme le Toffee Game. Certaines instances ont préféré faire machine arrière comme le centre commercial de Grande Bretagne qui a retiré le merchandising reprenant la poupée tueuse de la série, ou les écoles interdisant les déguisements d’halloween inspirés du jeu.
Préempter ces fandoms permet aux marques d’échanger sur un registre qui décadre de leur pré-carré habituel, lisse et conciliant pour rebalancer habilement une image trop policée. Provoquer pour mieux visibiliser en réintroduisant une pointe d’irrévérence comique et sulfureuse, tout en s’appuyant sur l’approbation des masses pour éviter le retour de bâton. Il fallait y penser. Ce n’est pas un hasard si pour son défilé haute couture de la fashion week de Paris, la maison Balenciaga a invité les décapants Simpsons dans un épisode inédit. Une opportunité pour adresser au passage les dérives du secteur sous couvert d’humour.
Cynisme abrupte, dilemmes moraux, fatalisme et absurde. Ces contenus répondent à un appétit croissant pour un divertissement anti-capitaliste et abordent des sujets d’actualité brulante : insécurité économique, survivalisme, chômage et pouvoir d’achat... Des préoccupations partagées universellement par l’ensemble des téléspectateurs, ce qui permet de globaliser la portée des contenus. Ils opèrent une forme de catharsis pour celui qui s’y plonge. Les consommateurs se tournent vers les fandoms pour s'exprimer, processer leurs émotions, et exorciser les peurs d’un avenir incertain toujours plus violent.
« Since the onset of the pandemic, consumers have turned to their favorite shows and characters to help them express themselves. In fact, 63% of Gen Z and millennials have used memes from a show or movie they love to express their current mood, feelings or whatever is on their mind. This fan-language made up of memes, climatic show scenes, character quotes, wacky gifs, zoom backgrounds and more, lets consumers process the intense ups and downs of everyday life in real time. This lingo is no longer used solely to talk about the fandom realm, but rather used to make sense of the real world! » (source : digiday)
Opportunité 2 : une alternative aux stratégies publicitaires traditionnelles
Pop-up Tik-Tok à Londres, vitrine numérique dédiée Netflix chez Wallmart, annonce de la boutique flagship Netflix à Tokyo pour 2022, les plateformes rendent tangible leur offre et investissent dans le retail. Il y a fort à parier que demain, les plateformes deviendront les rampes de lancement incontournables pour les marques. D’ailleurs n’est-ce pas déjà le cas avec la maison de couture Balmain ? Entre le documentaire Netflix « Wonder Boy: Olivier Rousteing, né sous X » racontant le parcours de son directeur artistique star, la mini-série de 5 épisodes « Fracture » lancée sur Channel4UK le 2 Septembre pour coïncider avec la fashion week, et le lancement d’une collection capsule sur le e-shop Netflix, la marque semble avoir trouvé une alternative solide aux campagnes saisonnières.
Les divertissements de marque ont de belles heures devant eux. A la clé pour celles qui maitriseront ces nouvelles mythologies de marques : l’assurance d’un softpower inégalé. La recette du succès : des formats “longs”, une logique sérielle, une multiplicité de touchpoints, des thématiques universelles, de l’intertextualité ainsi qu’une esthétique et une bande-son soignée, des arcs narratifs riches en symboles et quelques easter eggs pour les afficionados. Prêts ? A vous de jouer !
La reco du planneur
Et parce que les fêtes ne sont pas loin, on vous a préparé la parfaite panoplie du fan 2021 avec notre shopping-list idéale pour chiller devant vos séries préférées :
Le confort d’abord avec le sweat capuche de la collab Squid Game x Bershka
Le style ensuite, parce que chill ne veut pas dire négligé avec la collection make up exclusive Fenty Beauty x Arcane
Le réconfort ensuite avec la collaboration tout en pilou pilou de Netflix x UnHide : plaids, robes de chambre et couvertures
Et on termine avec une valeur sûre : la glace collab Ben & Jerry’s x Neflix « Netflix & chilled »
Allez, plus difficile encore que d’attendre le prochain épisode de Succession, on donne rendez-vous dans deux semaines pour notre prochaine NewsLetter !